HAMA AMADOU : l’ultime recours qui pourrait changer la donne !

Condamné à un an d’emprisonnement ferme, par un arrêt en date du 13 mars 2017, rendu par la Cour d’appel de Niamey, alors même que dans l’esprit du commun des mortels, la messe était dite. Mais ironie du sort, trois ans après, on apprend que le condamné Hama Amadou a formé opposition contre sa décision de condamnation, devenue définitive aux yeux des gens.

Cette décision, faut-il le rappeler, avait été rendue par défaut, à l’égard du prévenu HAMA AMADOU en raison de son absence à l’époque du territoire nigérien.

Ce nouveau rebondissement suscite trois questions précises auxquelles des réponses juridiques précises méritent d’être apportées :

➢ La voie de l’opposition est-elle encore ouverte pour le prévenu Hama Amadou ?

➢ Le cas échéant, quels sont les effets qu’un tel recours est susceptible de produire ?

➢ Enfin, quelles sont les incidences de l’exercice de cette voie de recours quant à une candidature éventuelle de Hama AMADOU aux élections présidentielles et ses suites?

1. Du droit de Monsieur HAMA AMADOU de former opposition contre la décision qui l’a condamné

Les pénalistes sont gens patients. Ils ont coutume d’enseigner aux autres qui n’exercent le droit pénal que par intermittence que le procès pénal n’est terminé que lorsque la décision est prononcée quant à l’action publique. Et même là encore….ils poursuivent en indiquant que le procès pénal se poursuit jusqu’à épuisement complet des voies de recours, que ces dernières soient ordinaires ou extraordinaires. En clair, pour eux, le procès n’est terminé que lorsque la décision acquiert l’autorité de la chose jugée.

L’opposition est une voie de rétractation par laquelle, la personne jugée par défaut, s’adresse à la même juridiction qui a rendu la décision attaquée afin que celle-ci puisse ouvrir les débats, discuter à nouveau de l’affaire, en sa présence, de manière contradictoire. Ce procès en opposition donne le droit à la personne condamné, de présenter ses moyens de défense et ses arguments.

Une fois enregistrée, la requête en opposition du prévenu lui ouvre la voie d’un nouveau procès.

Lorsque l’opposition est jugée recevable (c’est-à-dire qu’elle a été formée dans les formes et les délais applicables), la juridiction saisie agit comme s’il n’y avait pas eu une première décision dont les conséquences sont anéanties (suspension des condamnations, de toute peine d’emprisonnement, de mandat d’arrêt, de paiement de dommages et intérêts alloués à la partie civile, etc.).

L’affaire est alors jugée à nouveau !

En l’espèce, le prévenu Hama Amadou ayant été jugé par défaut, la voie de l’opposition lui est ouverte, aussi longtemps que le délai prescrit à cet effet par la loi le lui permet.

Quel est alors ce délai et à partir de quand commence-t-il à courir ?

Les dispositions des articles 477 et 478 du Code de procédure pénale précisent les délais prescrits pour former opposition :

L’article 477 ainsi conçu : « si la signification du jugement a été faite à personne du prévenu, l’opposition doit être formée dans les délais ci-après qui courent à compter de cette signification : dix jours si le prévenu réside sur le territoire de la République, un mois dans les autres cas. »

L’article 478 alinéa 1 précise que « si la signification du jugement n’a pas été faite à la personne du prévenu, l’opposition doit être formée dans les délais ci-après, qui courent à compter de la signification du jugement faite à domicile, à mairie ou à parquet : dix jours si le prévenu réside au Niger, un mois dans les autres cas. »

En application de ces dispositions pertinentes, le droit d’opposition du prévenu Hama Amadou subsiste en l’absence de toute signification de la décision du 13 mars 2017 faite à sa personne, à son domicile ; et il en sera ainsi, aussi longtemps qu’il ne résulte d’aucun acte que le prévenu a eu connaissance de cette signification jusqu’à expiration des délais de prescription de la peine ;

Sur ce dernier point, l’article 478 alinéa 2 du Code de procédure pénale nigérien indique que « si le prévenu n’a pas eu connaissance de la signification du jugement, l’opposition est possible pendant toute la durée de la prescription de la peine » ; ce délai étant de cinq (5) ans pour les peines correctionnelles suivant les dispositions de l’article 702 du Code de procédure pénale.

C’est donc, une fois le délai exceptionnel expiré que l’opposition n’est plus recevable et que la décision de défaut acquiert autorité de la chose jugée.

Cette solution empruntée par le droit nigérien s’inspire directement du droit français. Une jurisprudence constante, abondante voire séculaire existe à cet effet.

Ainsi, il a été jugé par la Cour de cassation française que « l’exécution volontaire de la peine par le prévenu n’établissait pas qu’il ait eu connaissance de la signification et ne faisait pas courir le délai d’opposition. Un avis du parquet invitant le condamné à subir sa peine était insuffisant »

Par ailleurs, selon la doctrine, l’exécution volontaire de la peine ne faisait pas disparaitre le droit d’opposition. La justification se justifie par le fait que « les voies de recours, dans la procédure pénale sont instituées dans un intérêt général : elles ont donc un caractère d’ordre public ; Par suite les parties ne peuvent valablement renoncer à un recours dans la mesure tout au moins où la pénalité est intéressée à ce qu’il soit, ou puisse être suivie ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas en principe d’acquiescement anticipé et qu’une telle acceptation de la sentence ne peut résulter que de l’expiration des délais impartis pour l’attaquer.

On peut évoquer une application ancienne puis récente de ce principe pour signaler que cette règle technique n’a pas pris de rides : ainsi en 1903, il a été décidé que « l’exécution volontaire d’un jugement de défaut ne saurait emporter contre le prévenu déchéance de son droit d’opposition, si l’exécution a eu lieu avant l’expiration du délai pendant lequel cette voie de recours peut être exercée. Et tout récemment en 2018 , que « seul le jugement de condamnation de défaut régulièrement signifié fait courir à l’encontre de la personne condamnée le délai de prescription de la peine »

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Pour revenir au cas qui nous intéresse, dès lors que l’opposition formée par M. Hama AMADOU l’a été régulièrement au greffe de la Cour d’appel qui a rendu la décision de défaut le condamnant, seulement et uniquement cette juridiction demeure compétente pour juger de la recevabilité, et le cas échéant, du bienfondé de cette opposition.

2. Des effets de l’opposition :

Effets au pluriel parce qu’on dit souvent dans le jargon judiciaire, que l’opposition a un effet à la fois suspensif et extinctif. A la vérité et les spécialistes du droit pénal le confirmeront, ce sont les délais d’opposition seulement qui ont un effet suspensif, tandis que l’effet extinctif s’attache à l’opposition elle-même, une fois qu’elle est formée. C’est ce deuxième effet qui focalisera les discussions présentes et celles à venir.

L’opposition formée a pour effet immédiat de faire tomber la décision rendue par défaut. « Le jugement rendu par défaut est non avenu dans toutes ses dispositions si le prévenu forme opposition » dit l’article 475 du code de procédure pénale.

3. Des conséquences quant à la candidature aux élections présidentielles et ses suites

Sans préjuger de la décision de la Cour Constitutionnelle quant à la candidature de Monsieur HAMA Amadou, on peut, au regard des éléments de fait et de droit dudit dossier, affirmer sans risque de se tromper que ce dernier jouit aujourd’hui de l’intégrité de ses droits civils et civiques.

Par l’effet induit de cet ultime recours, il acquiert une légitimité politique et une virginité judiciaire et légale.

L’enregistrement auprès la juridiction compétente de l’opposition enlève le droit à toute personne, fut-elle une autorité politique, administrative voire judiciaire ou juridictionnelle d’évoquer la condamnation de M. HAMA AMADOU. Aucun dispositif de jugement ne pourra constituer un obstacle vers sa course en vue d’être candidat.

L’article 475 du Code de procédure pénale dispose que le jugement par défaut est non avenu dans toutes ses dispositions, par le, fait de l’opposition formée par Monsieur HAMA Amadou. Celui-ci se présente aujourd’hui comme un simple prévenu, comme en 2016 qui bénéficie de la présomption d’innocence garantie par la Constitution.

Grand coup de bluff ou Gros coup gagnant ? Les jours prochains nous édifieront.

Maître Souleymane Yankori

Avocat à la Cour

Ancien Bâtonnier